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Journées européennes du patrimoine    17 septembre 2018

La seconde école de Paris fait étape à Madrid

Depuis près de dix ans, la Fondation Gandur pour l’Art prête ses œuvres d’art aux musées internationaux, respectant ainsi le vœu de son fondateur de rendre accessibles ses collections au public le plus large possible. La démarche volontaire, ajoutée à l’augmentation constante du nombre d’expositions institutionnelles, a créé les conditions singulières d’une collection nomade, autrement dit « sans frontières ». Cette marque distinctive est au cœur de la 25ème édition des Journées Européennes du Patrimoine (JEP) auxquelles participe, pour la première fois, la Fondation Gandur pour l’Art. L’initiative est l’occasion de croiser le thème « Sans frontières » des JEP 2018 avec celui de la prochaine exposition du musée Reina Sofía, à Madrid, qui traite la vaste question du territoire sous l’angle original de la contribution des artistes étrangers à l’essor de la scène artistique parisienne de 1944 à 1968.

Preuve que l’art n’a pas de frontières, l’attirance magnétique qu’exerça Paris sur les artistes du monde entier. Si le phénomène est unanimement reconnu pour la génération des pionniers de l’art moderne (Modigliani, Soutine, Chagall ou Picasso), sa vitalité est encore minorée pour les deux décennies qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après le conflit, nombre d’artistes étrangers qui durent quitter à contrecœur la capitale occupée retrouvent leurs ateliers parisiens, tandis que d’autres arrivent à leur tour, attirés par la « Ville Lumière » qui conserve intacte son aura de cité tolérante et ouverte aux artistes de tous bords.

Zao Wou-Ki, « 30.11.61 », 1961, huile sur toile, 130.5 x 195.8 cm, FGA-BA-ZAO-0002
Chu Teh-Chun, « Composition n° 22 », 1959, huile sur toile, 115.8 x 72.8 cm, FGA-BA-CHU-0001

La Fondation Gandur pour l’Art est riche de ces créations nées des souffrances de l’exil et de la découverte d’une autre culture. Le résultat de cette confrontation, fédéré au sein de la seconde école de Paris, ne pouvait être que multiple et contrasté. En témoigne la diversité des prêts de la Fondation qui concourt au succès attendu de l’exposition Paris pese a todo. Artistas extranjeros, 1944 – 1968 1.  Le choix du commissaire de l’exposition madrilène, le Professeur Serge Guilbaud, spécialiste des échanges artistiques entre la France et les États-Unis, s’est porté sur huit œuvres emblématiques de la Fondation.

Parmi elles, la Vénus blanche de Roger Bissière (1886-1964), la Soirée d’octobre d’Alfred Manessier (1911-1993) et le Couple dans les bois de Jean Bazaine (1904-2001), afin de souligner le rôle moteur de la présence française au sein de la seconde école de Paris 2. Cette dernière, ouverte aux horizons les plus lointains, accueille des artistes venus de Chine comme Zao Wou-Ki (1920-2013) et Chu Teh-Chun (1920-2014), arrivés respectivement en France en 1948 et 1955. Ils figurent dans l’exposition avec chacun une œuvre : 30.10.61, pour le premier, et Composition n° 22, pour le second. Elles montrent, chacune à leur manière, l’apport de la culture extrême-orientale à l’art abstrait occidental, alors le courant dominant à Paris.

Geer van Velde, « Composition 1949 », 1949, huile sur toile, 100 x 81 cm, FGA-BA-VELDG-0006

Sur les rives de la Seine accostent aussi, des quatre coins de l’Europe, d’autres personnalités atypiques telle que la portugaise Helena Vieira da Silva (1908-1929). Son Paris, la nuit, daté de 1951, véritable hymne nocturne à la capitale française, côtoie les étoiles et fait subtilement écho à la composition solaire du néerlandais Geer van Velde (1898-1977), sobrement intitulée Composition, 1949.

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Vieira da Silva, « Paris, la nuit », 1951, huile sur toile, 54 x 73 cm, FGA-BA-VIEIR-0002
Hans Hartung, « T-1947-14 », 1947, huile sur toile, 96,9 x 130 cm, FGA-BA-HARTU-0011

Dernier prêt de la Fondation Gandur pour l’Art au Reina Sofía, T 1947-14, œuvre précoce de Hans Hartung (1904-1989), peintre d’origine allemande qui gagna le camp des alliés pour combattre le nazisme. Décoré de la croix de guerre et naturalisé français en 1946, il incarne, plus que tout autre peintre de la seconde école de Paris, l’attachement, aussi profond que fécond qu’entretinrent tous ces artistes étrangers avec leur patrie d’adoption.

Qu’en est-il de ce lien aujourd’hui ? Sans doute s’est-il distendu où plutôt fragmenté au profit d’une géographie du marché de l’art devenue transversale. De surcroît, les artistes d’aujourd’hui, n’échappant pas à la mondialisation galopante de nos sociétés, sont plus que jamais mobiles et créent ainsi leurs œuvres au gré de leurs itinérances. Parangon de cette réalité actuelle, la création et la diffusion de l’art sur Internet. Ce vecteur, par essence sans frontières (à l’exception de certains pays soumis à des régimes totalitaires), ouvre des perspectives inédites que toute une nouvelle génération d’artistes explore se revendiquant moins d’une école que d’une avant-garde universelle.

 

 

Bertrand Dumas

Conservateur collection beaux-arts
Fondation Gandur pour l’Art, septembre 2018

« Paris without Regret. Foreign Artists, 1944-1968 », 21 novembre 2018 - 22 avril 2019
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid (Bâtiment Sabatini, 1
er étage)

1 Titre de l’exposition qui pourrait être traduit par « Paris malgré tout. Artistes étrangers, 1944-1968 », Musée national centre d’art Reina Sofía, Madrid, du 21 novembre 2018 au 22 avril 2019.

2 Roger Bissière, Vénus Blanche, 1946, huile sur toile, 110,3 x 75.5 cm, FGA-BA-BISSI-0008 ;  Alfred Manessier, Soirée d’octobre, 1946, huile sur toile, 99.8 x 81.3 x 2 cm, FGA-BA-MANES-0007 , Jean Bazaine, Couple dans les bois, 1947, huile sur toile, 130,3 x 88,8 cm, FGA-BA-BAZAI-0001.

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